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L’éveil sensoriel des enfants : la musique, un allié de premier plan !

Par Thomas Fabre • 20 novembre 2020

La question de l’éveil sensoriel des enfants nous concerne tous, pour une raison simple : on parle là de notre porte d’entrée dans le monde ! C’est par les sens que l’enfant découvre le monde qui l’entoure. Il se construit, se développe et organise sa pensée à partir de ces informations.

L’éveil, à partir de quand ?

Naturellement, dès leur naissance (et même avant, à vrai dire, dès la vie intra-utérine), nous voudrions intervenir pour favoriser l’éveil sensoriel de nos enfants : Oui, mais comment ? Pour agir au mieux, il nous faudrait des études, des certitudes. Bonne nouvelle : depuis quelques décennies, elles fleurissent de toutes parts.

Et après avoir longtemps fait la part belle au sens du toucher (plus particulièrement à un certain cycle « Main-Cerveau-Main » popularisé par la pédagogie Montessori), elles accordent aujourd’hui à la musique une place centrale.

Pourquoi la musique ?

« L’homme est véritablement une espèce musicale » : cette formule du neurologue et écrivain Oliver Sacks est la conclusion d’une vie passée à explorer les mystères du pouvoir de la musique sur le cerveau. Comme lui, de nombreux scientifiques ne cessent aujourd’hui d’apporter des réponses qui permettent d’en mieux comprendre les mécanismes.

Écoutons les explications très claires d’Emmanuel Bigand, chercheur en neurosciences cognitives :

Une « symphonie cérébrale »

Ainsi, de même qu’il y a des aliments dits « complets », des sports « complets », la musique permettrait un éveil sensoriel « complet ». Car plus que toute autre activité, elle implique le cerveau dans son ensemble. La pratique ou l’écoute de la musique activent simultanément et de façon coordonnée toutes les aires du cerveau. En chantant ou en vibrant au rythme d’un morceau de musique, l’enfant éveille en même temps ses capacités d’émotion, de langage, de mémoire, de motricité, et d’autres encore (jusqu’aux relations sociales)…

Une véritable « symphonie cérébrale », qui peut bénéficier à de nombreuses compétences cognitives sans rapport avec la musique, en favorisant la « plasticité » du cerveau (c’est sans aucun doute le terme scientifique à retenir ici : il désigne la capacité des neurones à se modifier, à se remodeler, pour s’adapter tout au long de la vie en créant de nouvelles connexions).

De l’écoute à la pratique

Il n’y a pas lieu d’opposer la pratique et l’écoute de la musique : c’est d’ailleurs un enseignement essentiel de ces recherches, d’avoir montré que notre cerveau n’est jamais passif lorsque nous écoutons de la musique – même si nous n’en sommes pas conscients (un peu à la manière de ce qui se passe dans le sommeil, où le cerveau se livre à notre insu à une activité aussi intense que vitale).

Un 6e sens à découvrir : la proprioception

Il n’en reste pas moins que la pratique musicale offre de nombreuses possibilités dans le cadre de l’éveil sensoriel. Et parmi elles, il en est une, encore assez méconnue, qui mérite toute notre attention : en plus des cinq sens que nous connaissons tous, il en existe un autre que nous utilisons en permanence sans même le savoir : la « proprioception ». De quoi s’agit-il ?

Au départ, l’enfant a besoin de la vue pour organiser ses mouvements et les contrôler. Puis, au fil des apprentissages, des séquences de mouvements volontaires deviennent des automatismes, et peuvent s’adapter à de nouvelles contraintes, sans le secours de la vue. « L’automatisme, c’est le proprioceptif » (Pr Jacques Paillard, CNRS). Arte a consacré un documentaire très instructif à ce « sixième sens » :

C’est donc l’ensemble des informations nerveuses, conscientes et inconscientes, transmises au cerveau, qui permettent de réguler la posture et les mouvements du corps, et de connaître sa position dans l’espace. Une sensibilité profonde, multisensorielle et enrichie par l’expérience, de chaque partie de notre corps.

Finissons avec cette remarque : la proprioception a la particularité de s’appuyer sur la plasticité du cerveau, ce qui est aussi le cas de la musique : éveiller et développer ce « nouveau » sens par la musique serait donc une association gagnant-gagnant ! C’est évident lorsque le corps sert lui-même d’instrument (dans le chant, la danse…), ça le devient également lorsqu’on apprend à ne faire qu’un avec son instrument de musique.

Pour aller plus loin sur ces questions

Pour une approche plus littéraire : Oliver Sacks, écrivain et éminent neurologue britannique récemment décédé, a publié de nombreux ouvrages passionnants, en particulier « En mouvement, une vie » et « Musicophilia : La musique, le cerveau et nous ».

Emmanuel Bigand, enseignant et chercheur français, a quant à lui publié un recueil d’articles intitulé « Les bienfaits de la musique sur le cerveau », qui a le mérite d’apporter des explications scientifiques à tous les sujets évoqués ici.