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Musique et plaisir : un jeu toujours gagnant

Par Thomas Fabre • 23 décembre 2020

Qu’on vise le plaisir suprême ou qu’on se contente d’un lot de consolation, introduire la musique dans un groupe humain est un jeu où l’on gagne à tous les coups ! Dans un groupe d’enfants, ce choix paraît d’autant plus judicieux que l’individu et le groupe sont ensemble dans une phase d’éveil, de construction et d’apprentissage. Or, pédagogues, philosophes et scientifiques s’accordent sur ce point : miser sur le plaisir, c’est aussi miser sur la réussite.

La musique à l’école : un espace de réussite

Avant même de s’intéresser aux spécificités du plaisir musical, il semble important de s’attarder sur un enjeu essentiel de la pratique musicale à l’école : comme le montre, parmi d’autres, cette initiative de l’association L’orchestre à l’école, elle est à même d’offrir à chacun un espace de réussite.

Là où les apprentissages et la découverte sont souvent associés à une pression exercée sur – ou du moins ressentie par – les enfants, le plaisir et la réussite exercent une action véritablement libératrice.

À l’âge où les capacités (les « compétences ») de communication se mettent en place, la musique permet de développer le pouvoir de représentation du langage, l’imaginaire des enfants, et propose une approche différente de la langue.

Avec un bénéfice et un plaisir immédiats : savoir exprimer un sentiment ou une émotion avec des mots demande un long apprentissage, communiquer avec autrui (et l’écouter) est un art difficile et parfois périlleux ; la musique permet d’accéder pleinement et directement à ces univers sans attendre d’en posséder toutes les clés !

Ce qui est vrai à titre individuel l’est davantage encore à l’échelle du groupe. Dans la pratique collective, chacun participe selon ses moyens, il n’est pas nécessaire de réaliser une performance complexe pour contribuer à l’ensemble : mais au final, la beauté du résultat donnera à tous le même plaisir, auquel s’ajoutera, en prime, celui du partage.

Un plaisir pour tous, mais qui s’adapte à chacun

Le plaisir que procure la musique est naturellement inscrit dans notre organisme : il active ce que les scientifiques appellent les circuits de la récompense, en provoquant la sécrétion de dopamine. Un neurotransmetteur souvent qualifié de « molécule du plaisir » ou « hormone du bonheur », dont le rôle est de renforcer, en les associant au plaisir, nos fonctions vitales.

Mais d’où vient exactement ce plaisir ? Voilà une chose bien difficile à expliquer avec des mots. Écouter, créer ou interpréter de la musique sont des actions complexes, impliquant non seulement le cerveau dans son ensemble, mais également l’individu tout entier ainsi que son environnement social et culturel.

Et c’est là justement sa force, son atout majeur : en offrant de multiples voies d’accès au plaisir, la musique permet à chacun d’en bénéficier. Un plaisir à la carte, en quelque sorte ! Celui qui, par nature ou dans des circonstances particulières, sera moins sensible aux vibrations sonores, à leur timbre, à leur intensité, pourra l’être davantage au rythme et au mouvement, au « faire ensemble », à l’imagination, aux souvenirs ou aux émotions partagées…

La musique nous meut et nous émeut

Plaisir des sens et plaisir du sens : l’éventail des possibilités est trop large pour en dresser ici l’inventaire. Nous retiendrons deux phénomènes marquants.

Le premier est le rôle fondamental joué par la mémoire (à la fois individuelle et collective, avec ses différents cercles concentriques que sont l’expérience individuelle, l’éducation, la culture…). De très nombreuses études voient aujourd’hui dans la mémoire le mécanisme central du plaisir musical. Il résulterait pour le cerveau d’une comparaison, d’un va-et-vient constants entre l’attendu et l’inattendu ; d’un équilibre entre ce que l’on connaît déjà et qu’on espère, et ce qui advient, l’inespéré. Ces recherches confirment d’ailleurs l’intuition des compositeurs, qui ont depuis longtemps élaboré des stratégies fondées sur la révélation du sujet, sa répétition et sa transformation.

Terminons en soulignant l’aspect relationnel et social du plaisir musical : que ce soit par la simple écoute ou plus encore par la pratique collective, la musique est indissociable du partage et de la communication. Elle favorise l’écoute et la confiance, et renforce la cohésion du groupe : c’est pourquoi, même dans un pays où la culture musicale est relativement peu développée, elle est présente dans la plupart des rassemblements auxquels nous attachons de l’importance (qu’il s’agisse d’un anniversaire, d’un match de foot ou d’une élection). En lançant la « rentrée en musique », nos dirigeants ont émis le vœu que l’école n’y fasse plus exception…