Une innovation à succès
L’originalité du conte musical de Prokofiev « Pierre et le Loup » réside dans l’identification des personnages aux instruments de musique. En ajoutant ce contexte pédagogique, Prokofiev innove le langage de la musique car il sollicite l’imagination et transforme son œuvre musicale en une production intellectuelle. À l’écoute, la pensée suit la musique et demande un travail de création visuelle et mentale autour de la partition pour percevoir la totalité de l’œuvre. Ce ne sont donc ni l’histoire ni l’aventure qui forment l’innovation de cette composition, ce sont la personnification des sons et l’identification des instruments qui font de cette musique visuelle une œuvre unique. En effet, Prokofiev réussit à éveiller la fantaisie de chacun en associant une représentation figurée au thème musical, ainsi, à chaque sonorité sont attribués un personnage, une identité, un caractère, mais surtout une image.
L’image au service de la musique
La stimulation de notre imagination avec la musique anime nos sens car elle active à la fois l’ouïe, la mémoire, la pensée et la créativité. Acclamé dans le monde entier, ce conte musical inspire alors les orchestres et musiciens mais aussi les professionnels de l’image comme les illustrateurs, les réalisateurs et les animateurs. Les péripéties sont faciles à suivre grâce aux mélodies travaillées, comme les notes rapides et descendantes pour attraper le Loup, ou les cordes avec sourdines comme un écho lorsque le canard est avalé. La musique résonne si bien dans l’imagination que la narration en devient quasiment inutile. Aussi, l’artiste Suzie Templeton a décidé d’adapter cette œuvre de façon muette ; Remplacée par l’image, la voix perd sa fonction et n’a plus besoin de commenter les mouvements. Combinées ensemble, l’image et la musique arrivent alors à former la narration complète de l’œuvre.
L’identification humaine
Les thèmes du conte se basent sur des oppositions qu’on entend dans les choix de notes et de rythmes. On retrouve alors les contrastes grand/petit, terre/eau/ciel, intérieur/extérieur, méchant/gentil mais aussi humains/animaux. L’utilisation visuelle de la forme humaine permet aux auditeurs de s’identifier à l’histoire. L’enfant qui écoute la musique s’imagine immédiatement à la place de Pierre et se voit danser sur la mélodie des cordes à la fois douce et vivace qui renvoie un caractère spontané, naïf et courageux. Les adultes s’identifient au grand-père qui représente l’autorité et la protection à travers le rythme pointé du basson et des accents et triolets qui marquent la pesanteur et l’inquiétude parentale. Enfin, les chasseurs dévoilent le dénouement ironique et inattendu avec les cuivres et percussions. L’image humaine ajoute alors une projection personnelle à la musique, quant à l’utilisation des animaux, elle permet de visualiser les thèmes essentiels de la vie.
La symbolique des animaux
L’oiseau, le canard et le chat marquent à eux trois la valeur de l’amitié, de l’entraide et du travail d’équipe. Figure de liberté et de joie, l’oiseau est sonorisé par de petites notes courtes, répétées et ascendantes de flûte traversière comme des battements d’ailes. Imprévisible, le chat représente l’intelligence, la ruse et la perfidie. Il marque le basculement entre vice et sagesse par son attitude tantôt gentil tantôt méchant, on l’entend à travers un rythme balancé de la clarinette entre le son doux de ses pattes de velours et les notes piquées de sa position à la fois proie et prédateur. Le canard symbolise la mélancolie et la souffrance de l’âme. Les demi-tons descendants du hautbois et l’insistance de la note longue en mi bémol accentuent l’expression de sa désolation et de son destin tragique. Quant au Loup, il désigne le danger et l’angoisse des épreuves de survie à travers les accords sombres et sévères des cors.
Dialogue entre image et musique
La personnification des instruments permet donc de mettre en image des valeurs, des thèmes et des caractères, mais elle a également contribué à la fabrication de l’œuvre. En effet, l’écriture de la composition de Prokofiev s’ancre indéniablement dans une structure musicale de l’image, comme une partition visuelle. L’écoute génère des réactions du système moteur qui agissent sur l’état psychologique et peuvent provoquer le mouvement, l’émotion et l’imagination. L’image ferait donc partie du processus de la construction musicale de Prokofiev puisqu’elle crée une concordance avec les notes et les silences. C’est cette synchronisation qui représente l’élément essentiel de contact entre le son et l’image, car elle caractérise à la fois les dimensions rythmiques de la musique et de l’imagination afin de conceptualiser l’œuvre comme un film mental.
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