Les entreprises et le mécénat musical : passion désintéressée ou intérêt passionné ?

Le mécénat musical, exemple concret

La musique est l’un des axes forts du mécénat culturel de la société Pernod Ricard France, depuis 1988. L’objectif est multiple : défendre une vision populaire mais exigeante de la musique, promouvoir de grands évènements live et gratuits, et accompagner les jeunes artistes. Avec une structure dédiée depuis plus de trente ans, Pernod Ricard est un partenaire de longue date, devenu un acteur reconnu et sérieux dans le milieu. Le Prix Société Pernod Ricard France Live Music offre même un des dispositifs d’accompagnement les plus complets, comprenant tout ce dont un artiste émergent peut rêver. L’entreprise le revendique elle-même : plus qu’un mécène, elle est un acteur au service de la musique. Oui, mais pas n’importe laquelle, l’entreprise s’étant en effet positionné très tôt sur l’axe de la musique live et indépendante.

https://www.societe-pernodricardfrance-livemusic.fr/

S’associer au cool

Mais alors, pourquoi une marque de spiritueux se positionne-t-elle ainsi?? Quel est son intérêt commercial, surtout en considérant que le produit est verrouillé par un cadre juridique très strict?? La clé réside dans la convivialité, une des valeurs phare de l’entreprise, qui se voit ainsi traduite en actions concrètes. Par ricochet, la marque associe également de manière subtile son image à l’esprit jeune et exigeant de la nouvelle scène indépendante française. Ricard ou le retour du cool. Avez-vous déjà assisté à un des concerts de la tournée Ricard live? Evénement gratuit dans un cadre sympa, il attire toujours un public dans la tendance. On en vient presque à oublier le financeur, c’est aussi intelligent que stratégique. En outre placer son produit en vente sur les événements ne gâche rien, permettant de séduire les consommateurs d’un soir et s’autorisant à essayer de les fidéliser. Rajeunir la marque, garder une image moderne, voilà le pari musical fait par Ricard.

Acteur au cœur de la culture

Le Crédit Mutuel s’investit lui aussi depuis plus de vingt ans dans le domaine, mais a choisi un axe diffèrent. En plus d’avoir créé sa plateforme dédiée aux passionnés (https://riffx.fr/), il parraine les grands rendez-vous musicaux de la télévision et de la radio, accompagne de grosses productions comme des spectacles ou des tournées d’artistes et s’associe aux grands festivals et évènements culturels. Il couvre ainsi un panel plus large et plus populaire. La banque a bien compris son intérêt : la visibilité offerte en qualité de sponsor touche directement son cœur de cible. Il conforte ses clients actuels, et en touche de potentiels nouveaux. Et si l’impact d’un évènement médiatisé est sans appel, les actions locales le sont tout autant. Car les opérations dans les agences d’un réseau tentaculaire comme celui de ce type de groupe donnent, elles aussi, une belle marge de manœuvre. Offrir des places de concert ou des invitations, autant de petites attentions qui entretiennent les relations.

https://www.creditmutuel.com/fr/musique.html

Rester sérieux

La Société Générale quant à elle a choisi un credo plus élitiste et d’apparence plus sobre. Elle a trouvé sa place dans le monde du mécénat musical en choisissant de soutenir la musique classique. Pour la rendre plus accessible, la promouvoir et la développer elle attribue des bourses aux talents prometteurs, ou constitue un fonds d’instruments anciens et contemporains qu’elle prête à des musiciens sélectionnés sur audition. Une fois de plus, une action cohérente avec les valeurs que le groupe veut véhiculer : l’excellence et l’esprit d’équipe, la somme des talents individuels au service de l’harmonie collective. Chacun verra là une façon commode de véhiculer l’image d’un groupe fiable, sur lequel on peut compter. L’impact eut-il été le même sur ses clients les plus conservateurs s’ils avaient choisi de se positionner en faveur de la musique électronique techno ?

https://www.societegenerale.com/fr/mecenat-et-sponsoring/mecenat-culturel/musique

Avantages pour tous

Le mécénat musical va au-delà du strict soutien financier. Il prône avant tout de bonnes intentions : rendre la musique accessible, soutenir les jeunes talents, promouvoir des actions pédagogiques et éducatives, faire rayonner le patrimoine. La partie immergée de l’iceberg met en avant une démarche socialement noble. Mais avec un média qui brasse aussi large, les mécènes associent également leurs noms à des actions qui s’inscrivent pleinement dans leur stratégie d’entreprise. Elles donnent corps à la marque employeur qui leur correspond et y trouvent chacune son credo, en générant des retombées commerciales non négligeables. Alors au-delà des grands groupes, le mécénat musical ne devrait-il pas s’ouvrir aux entreprises plus petites ?

Les mécènes sont nombreux (je vous invite par exemple à aller faire un tour sur la page dédiée de Radio France pour un aperçu (https://www.radiofrance.com/mecenat). Ils restent discrets sur les montants en jeu, et l’opération est si bien ficelée qu’on en oublie les avantages fiscaux à la clé pour eux. Mécénat noble, mais pas inconscient.

Source supplémentaire : L’excellent podcast (encore), Le Son Dopamine – (notamment l’épisode 8)