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Mécénat musical : acte II

Par Claire Novelli • 10 mars 2022

Le mécénat musical, soutien financier non négligeable largement alimenté par de grands groupes bancaires et industriels, a déjà fait l’objet d’un précédent article. Mais le sujet est tellement riche que nous avons décidé de vous en parler encore, afin de comprendre encore mieux les enjeux entre la musique et l’entreprise. Car moyen ou fin, le débat reste ouvert. Entre outil stratégique, créateur de valeur ajoutée ou jolie façade enrobant des avantages financiers non négligeables, il est difficile de placer le curseur de manière claire sur le mécénat.

Étayons (encore plus) le propos 

Nous l’avions déjà évoqué, le support financier de la musique par les grands groupes brasse large : les classiques, les indés, les jeunes talents, chacun sa crèmerie et tout le monde y trouve son compte. Ainsi les exemples de Ricard, Crédit Mutuel et Société Générale avaient déjà été évoqués mais la liste est longue. Dans la famille de la grande industrie, on retrouve par exemple le groupe Safran qui lui aussi tire son épingle du jeu en se positionnant sur l’accompagnement des grandes figures de la musique classique de demain. Rappelons que Safran est spécialisé dans les équipements aéronautiques, de l’espace et de la défense, environnement pourtant assez éloigné a priori de la musique classique et des lieux où elle s’écoute. Autre exemple, la fondation Orange, du groupe que l’on ne présente plus, brasse elle aussi très large ses soutiens de projets associatifs. Elle se positionne avec plusieurs de ses appels à projets sur la musique du monde, le jazz et les musiques urbaines, aspect moins exploité dans le vaste champ du mécénat. 

Deux exemples supplémentaires qui montrent quoi qu’il en soit encore l’appétence des (très) grands groupes pour le soutien à la musique, bien que leur cœur de métier en soit très éloigné. 

 

Voilà l’été

Mais c’est sans oublier la saison des festivals d’été qui se profile et qui listent tous sur leurs sites respectifs leurs partenaires financiers (dont souvent les groupes précédemment évoqués). Des Francofolies aux Eurockéennes, en passant par le Main Square Festival, Solidays, le Cabaret Vert ou encore le Hellfest (pour ne citer qu’eux), tous ont un encart réservé à leurs mécènes.  Mentions plus ou moins discrètes selon les logiques de communication et les contrats négociés, il est tout de même intéressant de s’attarder sur Rock en Seine qui joue la carte de la transparence absolue en affichant sur son site que « Le mécénat en faveur du festival est déductible de l’impôt sur les sociétés. Tous les dons jusqu’à 10 000 € sont déductibles à hauteur de 60%, sans minimum de chiffre d’affaires. Au-delà, les dons sont déductibles à hauteur de 60% dans la limite de 0,5% du chiffre d’affaires de l’entreprise. » Voilà qui a le mérite d’être honnête : votre avantage financier est ici messieurs dames les dirigeants. 

 

La controverse du bien fondé 

Les choses se jouent donc au-delà de la simple bonne intention. Car on le sait, les entreprises mobilisent rarement des fonds par pure philanthropie. Nous avions déjà évoqué des pistes de réflexion, mais une tribune collective récemment publiée dans Marianne (juillet 2021) dénonce le fossé entre l’intention première du mécénat et sa véritable utilisation. Ainsi, six membres du conseil d’administration de l’association Mécénat Musical Société Générale critiquent ouvertement certaines décisions prises par la banque et alertent sur la tentation de ne faire de la musique qu’un flambeau de communication, intention bien éloignée de la philosophie du mécénat.

Servir la musique ou s’en servir?? La question reste ouvertement posée. Car s’il fallait encore le prouver et comme justement mentionné dans cette tribune : les entreprises supportent la musique, et la musique le leur rend bien.

 

Ne pas tout voir en noir

Bien que les réelles intentions du financeur et le but premier du mécénat soient parfois très éloignés, tout n’est pas à voir par la négative. Car il est un devoir d’honnêteté de rappeler ici que si les mécanismes financiers en jeu apportent bien entendu beaucoup à l’entreprise, ils apportent tout autant à la création musicale, à sa diffusion et sa production. Les mouvements d’argent en jeu contribuent même plus largement souvent à toute une économie locale, par exemple lors des festivals précédemment évoqués qui font vivre toute un tissu d’acteurs locaux, sur au final quelques jours de programmation musicale. 

Le cercle est donc pour le moins vertueux, il s’agit juste de ne pas essayer d’y faire entrer trop de carrés.

 

Sources :

https://www.marianne.net/agora/tribunes-libres/mecenat-culturel-les-fausses-notes-de-la-societe-generale

https://www.diapasonmag.fr/a-la-une/servir-la-musique-ou-sen-servir%E2%80%89-le-mecenat-musical-societe-generale-critique-par-des-membres-de-son-conseil-dadministration-3331.html

https://metiers.philharmoniedeparis.fr/fondations-mecenat-musique.aspx

https://www.rockenseine.com/partenariats/mecenat/